DEUX ARRETÉS préfectoraux viennent de tomber coup sur coup. Le premier, en date du 2 novembre, autorise la société Lafarge Ciments à exploiter une carrière à ciel ouvert à La Grande-Paroisse. Le second, tombé la semaine dernière, autorise le numéro un mondial du secteur à exploiter une cimenterie en bordure de Seine, sur les anciens terrains industriels de la Société chimique. Lafarge réalisera sur cette petite commune du sud du département, « le plus gros investissement privé de France », comme le souligne Yves Jégo, maire de Montereau, la plus grosse commune du secteur (20 000 habitants). Plus de un milliard de francs doit être dépensé pour installer sur 5 hectares une usine dotée d'une cheminée de plus de 100 mètres, et exploiter une carrière. Six millions de taxe professionnelle Ces deux arrêtés arrivent après quatre ans de combat entre le « bulldozer » de la cimenterie, et les associations de défense de l'environnement, soutenues par une partie des élus locaux. Forcément, du côté de Lafarge, on a retrouvé le sourire. Pourtant, l'entreprise se prépare déjà à repartir au combat. « C'est une étape administrative importante », souligne Patrick Paris, directeur du développement et des relations extérieures de Lafarge, « mais ce n'est qu'une étape », s'empresse-t-il d'ajouter. « Ceux qui pensent que c'est terminé se trompent. Les arrêtés préfectoraux sont très exigeants. Le cahier des charges qui nous est imposé va au-delà des normes en vigueur. » Cela, c'est l'obstacle technique. « Reste ensuite à obtenir le permis de construire, à réaliser des fouilles archéologiques sur le site - en sachant que ce n'est pas possible l'hiver -, à défricher les bordures de Seine. » Sur ce dernier point, un recours de l'association Vigilance-Environnement a d'ailleurs été déposé auprès du tribunal administratif. On ne se berce pas d'illusions du côté de Lafarge. « Notre calendrier initial, établi en 1996, prévoyait une implantation en 2001. Il ne sera pas respecté » Depuis quatre ans, le dossier Lafarge est baladé de recours en amendements. « Dès lors que la préfecture a pris un PIG (Projet d'intérêt général) sur ce dossier, nous nous sommes adjoint les services d'un cabinet conseil pour nous seconder », rappelle Jacques Vaillant, le maire de La Grande-Paroisse. « On a pris la position d'amender le projet, poursuit-il, afin d'éviter le maximum de nuisances, et obtenir le maximum de retombées économiques. » Pari réussi pour l'élu : il se dit « très confiant » pour l'avenir, et Lafarge devrait lâcher quelque 6 millions de francs de taxe professionnelle à la commune, « soit le double de ce que nous percevons. » Toutefois, il règne encore beaucoup d'inquiétudes parmi les esprits locaux. « Même si grâce aux associations, le projet a été amélioré, il reste des zones d'ombre », regrette le conseiller régional José Ruiz. « La cimenterie sera quasiment limitrophe de Surville. Et je m'inquiète encore des tirs de mine, de la poussière qu'elle va dégager. Quid de la qualité de l'eau ? Nous continuerons à être vigilants. »
Mickaël Bosredon
ARTICLE PARU DANS LE PARISIEN DU 28/11/2000